Passerelles (le projet)
D’un lieu de production voué à l’efficacité, l’usine des Métalliers Corréziens devient un lieu artistique et culturel.
A l’origine : l’image.
Que nous révèlent les images dans un monde où leur multiplication ne nous permet plus d’en saisir le sens ?
Le moteur du projet : L’usine.
Quelles images de son passé, de son présent nous renvoie-t-elle ? Ces espaces figés, inconnus, qui s’animent sous la main des Métalliers. L’odeur âpre du métal, le son strident de la lame qui le fend, la lueur bleutée, électrique.
Première découverte des lieux, de la matière, des hommes qui y vivent. Premiers ateliers de recherche, le corps apprivoise l’espace et réciproquement. L’objectif est de s’imprégner de l’atmosphère. Dans la matière, inerte, trouver la source du mouvement. L’alchimie opère et les mots sont évidence : s’appuyer, s’abandonner, résister, l’empreinte, la trace, la mémoire, ce qui nous rejoint, ce qui nous éloigne. Des mots, surgit le geste. Du corps traversé, des sensations, des émotions, naît le mouvement dansé. Dans la mémoire de ces instants la pièce est écrite et présentée pour les Nuits de Nacre à Tulle, dans la salle Des Lendemains Qui Chantent, en 2009.
Revenir sur le site de l’usine, en 2011, avec la pièce écrite, c’est éprouver sa maniabilité à s’étirer, à trouver sa place dans ces lieux d’où elle est partie, c’est être dans un échange et un rapport privilégié entre un projet artistique et l’entreprise qui le soutient. Pour le collectif d’artistes, ces retrouvailles permettent de décliner à travers différentes installations tout ce que cette rencontre a pu mettre en lien : des archives sur l’histoire de ce lieu en passant par les réalisations du lycée Lavoisier, sans oublier ce que cette aventure a tissé entre artistes, ouvriers et apprentis.
Le corps, dans les espaces, retrouve son empreinte et au contact de la matière redécouvre le geste, plus fort, plus juste. Sur les murs de l'usine, l’image raconte ces épousailles. La force de la pierre fait écho à celle des photographies et réciproquement. Lorsque la lumière traverse l’espace, le corps et la matière, alors les âmes endormies de ce lieu s’élèvent, il devient cathédrale. Les ombres s’étirent, envahissent l’espace et l’Image devient Magie.
Le photographe est au cœur de l’aventure, il capte l’éphémère. Il nous montre l’instant que lui seul peut voir. Ses photographies témoignent de la beauté inconnue de ces lieux, de la force qui s’en dégage. Il porte un regard singulier sur la rencontre improbable entre l’art et l’usine. L’image raconte alors comment la superposition de ces deux mondes donne à voir autrement l’un et l’autre…
Les ouvriers de l’usine, jusque là distants, et discrets, nous rejoignent. Nous les invitons, après deux semaines de résidence chez eux, à venir visiter notre chantier.
Et les danseuses dansent… Les frêles silhouettes blanches jaillissent contre la pierre, se propulsent, sur le sol s’enroulent et se déroulent. Les robes immaculées s’emmêlent, pour bientôt se teindre de l’histoire de ce lieu et finalement tomber, enveloppes charnelles, mues d’un autre temps.
Ils sont là, un peu fatigués d’une fin de journée, immobiles, comme suspendus, ils attendent une réponse. Leur lieu est différent, presque étranger. Ce lieu qu’ils croyaient hostile, désuet, oublié, devient aimable. Le corps s’y enfonce avec jubilation. L’espace est parcouru avec bonheur et légèreté. La poussière n’est plus sale, n’est plus celle qu’ils croyaient. Ils les regardent interrogés, dérangés, reconnaissants, bienveillants.
Quand créer se conjugue au pluriel
Passerelles n’est pas seulement un titre, c’est aussi un défi : celui de rassembler des univers qui souvent s’ignorent et sont pourtant mobilisés par le même moteur, la passion. Faire jaillir de ses mains, de son cœur, de son ventre, l’envie de créer, le savoir faire, le savoir être. C’est ainsi que dans l’ombre souvent ces êtres vivent. Chaque maillon est essentiel à la chaîne. Quinze jeunes apprentis nous font découvrir qu’au-delà d’artisans, ils peuvent être des artistes. De leurs mains sont nés des êtres de métal. Soudeur, chaudronnier, leurs ombres sur les murs de l’usine prouvent à jamais combien l’infiniment petit est infiniment grand.
Humblement ce projet raconte comment l’Image peut encore nourrir l’Imaginaire et nous assure que l’Art est passeur d’Humanité.
Passerelles
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